Slocum et moi
Jean-François Laguionie, France, Luxembourg, 2025o
Au début des années 50, François, un jeune garçon de 11 ans, découvre avec intérêt que ses parents entament, dans le petit jardin familial, la construction d’un bateau, réplique du voilier du célèbre marin Joshua Slocum. Au fil de la construction du bateau, le jeune garçon entame sa propre aventure, traçant sa voie dans l'existence. Comme ses parents, il se met lui aussi à poursuivre un rêve.
Dans l’univers parallèle du cinéma d’animation, le Français Jean-François Laguionie est une légende. Palmé à Cannes en 1978 pour son court-métrage La traversée de l’Atlantique à la rame, il passe au long-métrage en 1984 avec Gwen, le livre de sable, œuvre de science-fiction dans laquelle le motif du voyage joue un rôle central. Ses films suivants déclineront cette fascination pour l’ailleurs, également présente dans le poétique Slocum et moi. Dans la France d’après-guerre, un jeune garçon assiste à la construction, par sa mère et son père d’adoption, d’un gigantesque navire dans le jardin du pavillon de banlieue où la petite famille réside. Les années passent et l’entreprise se poursuit, mais le maître d’œuvre rechigne à finaliser l’ouvrage: «Quand ce sera fini, ce sera fini», lâche-t-il, manière concise de dire que le chemin est toujours plus intéressant que la destination, l’imaginaire plus riche que le réel. L’enfant observe avec respect, admiration et tendresse ce beau-père taciturne surnommé Slocum en hommage au célèbre navigateur, et le film se fait le vecteur de ce subtil mélange d’émotions qui échappe au langage, mais pas au trait de crayon de Laguionie. Les dessins épurés du cinéaste d’animation évoquent avec grâce le monde mystérieux de l’enfance, la poésie banlieusarde d’une petite ville au bord de la Marne dans les années 1950, le sentiment du temps qui passe et des rêves qui restent. Du haut de ses 85 ans, Laguionie nous rappelle que le cinéma n’a pas son pareil pour parler des choses de la vie. Bravo l’artiste!
Emilien Gür