Misty – The Erroll Garner Story
Georges Gachot, Suisse, 2024o
Autodidacte de génie, Erroll Garner a changé à jamais le visage du jazz. Son titre Misty, composé dit-il dans un avion entre deux concerts, est devenu un standard dès sa sortie et reste encore l’une de ballades les plus reprises au monde. Enchaînant les succès, il a pourtant connu une vie tumultueuse… Qui se cachait derrière le sourire charmeur de cet enfant des ghettos de Pittsburgh que le talent a propulsé sur les plus grandes scènes internationales ? « Ladies and Gentlemen, l’homme pour qui le piano a été inventé : Mr Erroll Garner ! »
La curiosité musicale de Georges Gachot, Français d'origine et réalisateur à Zurich, nous a déjà permis de découvrir des légendes comme Martha Argerich, Maria Bethânia et João Gilberto. A présent, Gachot s'est tourné vers une idole de sa jeunesse, le pianiste américain Erroll Garner (1921-1976), qui a prolongé la grande époque du swing dans les années cinquante et soixante et qui est devenu l'un des virtuoses du jazz les plus populaires. Le problème, c'est que Garner est mort il y a bientôt cinquante ans et qu'il n'existait que peu de matériel cinématographique, dont des enregistrements datant des débuts de la télévision, modestes en termes de technique d'image. Gachot résout le problème en retrouvant deux des derniers accompagnateurs survivants de Garner, ainsi que la toute jeune maîtresse des dernières années de Garner et une fille que Garner a reniée pendant presque toute sa vie. Les deux vieux combattants racontent avec un mélange d'admiration et de distance critique la joie de jouer indomptable et l'égocentrisme souriant du maestro, qui avait découvert le piano à l'âge de trois ans, n'avait jamais appris à lire la musique, enregistrait des albums de studio entiers en une journée et prenait constamment ses coéquipiers de court avec ses setlists improvisées. Dans l'une des plus belles scènes, ils sont encore une fois assis à la batterie et debout à la basse, tandis qu'un Garner-Tune leur donne la mesure au piano à queue inoccupé. Les souvenirs des deux femmes, pour lesquelles l'homme Garner est resté une énigme et dont il a souvent ignoré nonchalamment les intérêts, sont plus tristes, mais aussi plus incolores. C'est clair, le seul véritable amour de ce pianiste et compositeur de génie était la musique. Mais celle-ci résonne encore aujourd'hui dans ses représentations comme si elle venait d'être inventée.
Andreas Furler