Une pointe d'amour
Maël Piriou, France, 2025o
Avocate atteinte d’une maladie incurable, Mélanie a décidé qu’il était temps de profiter de la vie. Elle embarque Benjamin, son ami de toujours, dans un périple vers l’Espagne pour explorer leur sensualité dans une maison close. Lucas, un chauffeur bourru sorti de prison la veille, les conduit à bord d'un van délabré. Contrairement à Mélanie, Benjamin ne semble pas pressé d’arriver et fait d’ailleurs tout pour prolonger cet improbable voyage à ses côtés.
Le philosophe américain Stanley Cavell se demandait si le cinéma pouvait nous rendre meilleurs. Une pointe d’amour porte à croire que oui: ce road movie centré sur un ex-taulard amené à convoyer son avocate atteinte d'une maladie incurable et un ami à elle, se déplaçant également en fauteuil roulant, vers l’Espagne est un éloge de la différence et une célébration de la vie. Cela semble niais sur le papier, mais le film atteint de tels accents de sincérité que la méfiance que l’on pourrait nourrir envers ce feel good movie a tôt fait de s’éclipser. Une réaction assez cohérente avec le propos du film, qui invite à se défaire de tout préjugé, à l’exemple de ses personnages. Non que l’ancien prisonnier et les deux adultes en situation de handicap se regardent au début en chiens de faïence, mais leur rencontre n’a pas lieu sur un terrain libre d'a priori: l’avocate soupçonne son client de pas pouvoir s’empêcher de céder à la tentation de voler, tandis que ce dernier a du mal à concevoir la complexité du vécu de celle qui prend sa défense – ce qui lui vaut de commettre quelques maladresses verbales. Le voyage en Espagne, où l’avocate en manque de contacts charnels souhaite visiter une maison de passe inclusive, sera l’occasion d’ajuster leurs perceptions. Pour incarner le mélange de gaucherie involontaire et de tendre humanité propre aux trois personnages, le réalisateur Maël Piriou a trouvé en Julia Piaton, Quentin Dolmaire et Grégory Cadebois des acteur·ices à la hauteur. La première campe une quarantenaire à la fois fière et fragile, pressée de jouir de l’existence au plus vite, le deuxième un jeune homme un brin coincé, nourrissant une passion secrète pour l’avocate, et le troisième une armoire à glace dont l’air bourru dissimule mal les trésors de délicatesse. La complicité croissante entre les personnages est le vecteur d’un optimisme radieux, qui n’est pas la moindre des qualités de ce film de divertissement intelligent en tout point.
Emilien Gür