Adieu les cons
Albert Dupontel, France, 2021o
Lorsque Suze, une coiffeuse malade, apprend dans la quarantaine que sa vie pourrait bientôt s'arrêter, elle se met à la recherche de l'enfant qu'elle a mis au monde à l'âge de 15 ans et qu'elle a dû abandonner pour être adapté. Ce faisant, elle rencontre JB, un programmeur surdoué qui, à cinquante ans, aurait déjà dû être mis au rebut et qui, dans son indignation, s'est suicidé sans succès, au point que sa tentative de suicide a été interprétée comme une folie meurtrière. Cet étrange tandem est complété par l'archiviste aveugle Monsieur Blin, qui apporte à la recherche un mélange d'éclairs de génie et d'intuitions abstruses.
Ayant raflé en France tous les Césars importants, ce film burlesque débordant d'idées est passé pratiquement inaperçu auprès de la critique et du public dans les cinémas suisses allemands. Un cas d'arrogance alémanique ? Il s’agit peut-être seulement de prudence : si une comédie française mentionne déjà les cons dans son titre, son niveau comique ne volera pas bien haut ... Loin de là ! Dans son septième scénario et travail de réalisation, l'acteur Albert Dupontel montre que les humoristes français peuvent aussi suivre une autre voie, en prenant pour modèles des géants comme les légendaires Terry Gilliam et Terry Jones des Monty Python, les décors et les couleurs subtilement surréalistes d'un Trauner ou d'un Tati, le slapstick raffiné dans la tradition de Keaton et Beckett, ou encore les gags de Peter Sellers. Que des influences aussi diverses se rejoignent pour former un univers clos et extrêmement drôle, est dû au travail d'équipe parfait de Dupontel, de ses collaborateurs et de son casting, qui ont tous dû avoir à l'esprit la logique tordue d'un asile d'aliénés sous bonne direction. De quoi est-il question ? Ah oui, d'une coiffeuse en phase terminale qui, à l'adolescence, a dû abandonner un bébé et veut retrouver son rejeton trois décennies plus tard, aidée en cela par un programmateur fatigué de la vie et un archiviste aveugle qui lui fournissent un mélange d'éclairs de lucidité et d'idées farfelues. En d'autres termes, peu importe : il suffit de s'asseoir et de s'abandonner à cette fin de partie comique, sentimentale et couleur bonbon.
Andreas FurlerDans le paysage bien balisé des comédies françaises, Dupontel détonne car son rythme trépidant emprunte au "slapstick" du cinéma muet et ses enchaînements de situation lorgnent plus vers le nonsense des Monty Python que vers les quiproquos vaudevillesques des films comiques franchouillards. On ne va pas s’en plaindre. Virginie Efira semble parfaitement à l’aise dans son univers, et le duo Suze/JB fonctionne bien à l’écran. Cette "tragédie burlesque" (comme la définit le cinéaste), menée tambour battant, n’ennuie jamais et surprend souvent. Deux qualités précieuses.
Hugues DayezFilm le plus émouvant de son auteur, où le punk cartoon se marie étonnamment bien avec des émotions aiguës, dont la justesse impressionne, Adieu les cons ne laisse pas indemne.
Simon Riaux